La route de retour des vacances peut être long … très long quand on revient de Bretagne vers la méditerranée …. heureusement il y a des émissions passionnantes à la radio et je souhaite vous faire découvrir celle-ci : la bibliopégie anthropordermique …Je vois déjà vos neurones s’affoler, de quoi elle parle ???? tout d’abord un petit point étymologique :
Dans « bibliopégie », il y a le grec ancien βιβλίον, biblion, qui veut dire… « livre » et πήγνυμι, dans notre alphabet pēgnumi, ce qui veut dire ” réparer, renforcer”. Ainsi, bibliopégie désigne l’art de la reliure. Jusque là tout va bien:) … mais ça se gâte …
Puis il y a « Anthropodermique » qui contient à la fois la notion d’être humain (ἄνθρωπος, ánthrôpos) et l’évocation d’une partie plus précise du corps de ce dernier : la peau, (δέρμα, derma) !
Voilà, vous avez tout compris : la bibliopégie anthropodermique renvoie à la reliure des livres avec de la peau humaine !! Et non, ce n’est pas une légende… Cette pratique a réellement bien existé et remonte au XVII° siècle !
L’émission de France culture évoque l’enchère à Drouot d’un ouvrage quelque peu atypique : il s’agit d’un livre du marquis de Sade : « Philosophie dans le boudoir », imprimé en 1795. Ce petit in-12 en pleine peau terre de Sienne, avec large dentelle aux petits fers autour des plats, a été relié par les frères Lortic : Volume couvert en peau humaine, est-il inscrit au premier contreplat sur le même cuir que celui de la reliure.
Lortic était un des plus grands et audacieux ateliers de reliure français du XIX° siècle. Les frères Lortic succèdent à leur illustre père de 1884 à 1891 et signent la reliure de cet atypique ouvrage en peau dite « humaine ».
je mets des bémols sur « l’âme de la reliure » dite en peau humaine car aucune preuve n’est apportée à ce jour qu’elle le soit bien ! On attribue deux autres ouvrages du même genre, aux frères Lortic, dont l’un est conservé à la Wellcome Library à Londres. Celui-ci, estimé entre 40 000 et 60 000 euros, a une provenance mystérieuse : ses différents propriétaires ont fait disparaître leurs traces et l’on ne connaît pas davantage l’identité du malheureux (ou malheureuse) qui a fourni la matière première…
Il faut savoir qu’à cette époque du 19°s, très romanesque, la reliure en peau humaine, plus particulièrement de jeune fille vierge, appartenait à l’ordre du fantasme … Baudelaire, lui même en aurait fait la demande aux frères Lortic ….
On peut imaginer que les Lortic étaient en relation directe avec des médecins et des chirurgiens, qui en échange de généreuses rémunérations les fournissaient en peau (notamment celle du dos qui offrait une plus grande surface de découpe).
Ou peut être que le relieur, face à cette demande étrange, pouvait prétendre vendre de la peau humaine à son client et ne fournir que de la peau de Truie ou de porc ….. Facile à savoir me direz-vous, faisons un prélèvement …. et bien, ce n’est pas si simple en fait …
Suite à la vente Drouot, une équipe de chercheurs a souhaité prélever des échantillons sur l’ouvrage du Marquis de Sade … L’acquéreur, resté anonyme, a accepté à une seule condition : il fera le prélèvement lui-même ….Vous vous doutez déjà du résultat : RAS, rien à signalé, le prélèvement n’a pas pu être lu.
2 solutions : soit le propriétaire n’a pas opéré correctement pour faire le prélèvement (après tout c’est un métier!) … Soit il n’a pas souhaité connaître et faire connaître les résultats ! Mettez vous à sa place, c’est une loterie 50/50 : c’est bien de la peau humaine, jackpot son enchère est justifiée … C’est de la peau de truie, l’ouvrage perd catastrophiquement sa valeur financière et son aura !
En même temps, pourquoi ne pas garder tout le mystère, soit glauque et lugubre, autour de ces reliures … Pour une fois que la couvrure fait couler plus de sang d’encre que l’ouvrage lui même !!!!